4-368/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

6 NOVEMBRE 2007


Proposition de résolution relative aux hépatites

(Déposée par M. Philippe Monfils et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


De nouvelles maladies se sont développées de manière quelque peu endémique au cours des dernières décennies. À côté du tristement célèbre SIDA, d'autres maladies, moins connues mais tout aussi alarmantes, comme les hépatites A, B, C, sont également apparues.

En Belgique, environ 100 000 personnes souffrent de l'hépatite C (soit 1 % de la population) et 80 000 de l'hépatite B.

Ces chiffres sont très probablement sous-évalués parce que beaucoup de malades s'ignorent encore. En effet, on évalue à 50 % le nombre de personnes qui aujourd'hui sont contaminées sans le savoir et qui maintiennent donc le risque de contamination (1) .

Si près de 50 % des contaminés l'ignorent, il faut également souligner qu'un belge sur deux méconnaît cette maladie.

Mais qu'est ce que l'hépatite ?

Une hépatite est une inflammation qui perturbe le bon fonctionnement du foie. Il faut relever différents types d'hépatites virales.

Tout d'abord, l'hépatite A. Elle se transmet généralement par l'alimentation (eau non potable, alimentation contaminée) ou par voie fécale. Il est rare que la maladie évolue vers une hépatite chronique. L'hépatite A guérit toujours et sans séquelle. Le diagnostic se fait par une simple prise de sang.Un vaccin existe.

L'hépatite B est une infection sexuellement transmissible. On peut également l'attraper par le sang. L'hépatite B aiguë n'est pas courante. Chez 10 % des adultes, elle évolue vers une hépatite chronique qui nécessite plusieurs mois et/ ou années de traitement, avec un risque de développer une cirrhose ou un cancer. Chez 80 à 90 % des nouveau-nés et 30 à 50 % des enfants de moins de 5 ans, l'hépatite B devient chronique (2) .

Le virus de l'hépatite B est très contagieux. Un vaccin existe.

L'OMS estime que 350 millions de personnes sont aujourd'hui porteurs de ce virus dans le monde. L'hépatite B est une maladie universelle, qui pose un problème de santé mondiale important. Le nombre de décès annuels consécutifs à une infection par ce virus est d'environ 2 millions (2e cause de cancer dans le monde, après le tabac).

Enfin, l'hépatite C. Elle se transmet uniquement par le sang. Dans 80 % des cas, la maladie devient chronique et 20 % de ces maladies chroniques évoluent vers la cirrhose.

Cette hépatite est également appelée « épidémie silencieuse » car les personnes qui sont contaminées peuvent pendant 10 à 20 ans ne souffrir d'aucun symptôme.

Il n'existe pas de vaccin.

Tout comme l'hépatite B, il s'agit d'un véritable problème de santé mondiale puisqu'on estime à près de 200 millions le nombre de personnes infectées.

Le virus de l'hépatite C contamine aujourd'hui sept fois plus que le sida et tue également quatre fois plus que celui-ci !

Le nombre important de cancers du foie aujourd'hui est lié à l'expansion de ce virus.

Face à cette expansion, que faire ?

L'arrivée, en août 2002, d'un nouveau traitement pour l'hépatite C basé sur une thérapie combinée à relancer de nombreux espoirs de guérison. Les résultats sont encourageants puisque le taux de réussite de ce traitement pour les patients jamais traités est de 60 %, tous génotypes confondus.

En fait, le problème ne se trouve pas dans le traitement en tant que tel de cette maladie parce que, si diagnostiquée à temps et bien traitée, les chances de guérison sont importantes. Le véritable problème se situe davantage dans la méconnaissance et la sous-estimation de la gravité de ces maladies par la population.

Dans la grande majorité des cas (90 %), pour l'hépatite B, la découverte de la contamination se fait fortuitement à l'occasion d'un ckeck-up chez son médecin traitant, lors d'un don de sang, ou lors d'un dépistage organisé dans des populations exposées. Ceci est d'autant plus inacceptable que pour les hépatites B, un vaccin existe !

La plupart des personnes infectées par le virus de l'hépatite C l'ignorent également.

Le malade peut donc rester des années sans se rendre compte de sa contamination. Or, ce délai trop important entre la contamination et le diagnostic de l'hépatite est souvent à l'origine de graves complications et de nombreuses contaminations en l'absence de simples mesures de précaution.

Il devient aujourd'hui capital d'informer et de sensibiliser le plus de monde possible aux hépatites d'autant qu'en l'absence de vaccin, l'hépatite C est une maladie qui concerne tout le monde et que seules les mesures d'information et de prévention pourront permettrent d'en freiner l'endémie. Une véritable campagne de sensibilisation doit être mise en œuvre au niveau national pour informer la population sur ces virus, leurs symptômes, les méthodes de diagnostic, les traitements, ...

En coopération avec les entités fédérées, cette campagne devra particulièrement mettre l'accent sur l'importance d'un diagnostic précoce pour tous et sur la vaccination pour le VHA et le VHB.

Outre la propagation du virus et les complications médicales, un tel diagnostic précoce permettrait d'éviter les coûts importants des transplantations de foies. Ceux-ci sont beaucoup plus élevés que les coûts globaux d'un traitement de 6 mois à 1 an.

Cette campagne doit non seulement viser le grand public, mais aussi le personnel infirmier, para médical ... pas non plus toujours bien informé sur les hépatites, et les médecins généralistes et toutes les professions utilisant un matériel « porteur potentiel de sang » (acupuncture, pédicure, mésothérapie ...). Toutes ces personnes, et peut-être davantage encore le médecin généraliste, doivent avoir un rôle particulièrement important dans la prévention et l'information concernant les facteurs à risques, les symptômes, ... Et ce, afin d'assurer, si nécessaire, une prise en charge rapide et efficace de l'hépatite.

Plusieurs études ont démontré que les médecins informaient et organisaient des dépistages de l'hépatite C auprès de leurs patients drogués par intra-veineuse mais que ces dépistages n'étaient pas automatiques quand il s'agissait de patients « normaux ».

Plus qu'une campagne de sensibilisation, les auteurs de la présente proposition souhaitent également voir adopter, en coopération avec les Régions, un plan global pluriannuel de lutte contre les hépatites reprenant un ensemble de mesures et d'initiatives à développer dans cette perspective.

À coté de ce manque d'information et de mesures concrètes, certains problèmes sont constatés également au niveau des modalités de remboursements des traitements.

Alors qu'il était déjà accessible pratiquement partout en Europe, c'est seulement depuis mars 2007 qu'en Belgique, les malades de l'hépatite B peuvent se procurer le nouveau traitement de référence pour l'hépatite chronique B qui est le IFN pégylé.

Ce traitement fait l'objet d'un remboursement en catégorie B s'il est démontré qu'il est utilisée pour le traitement des:

a) bénéficiaires adultes atteints d'une hépatite B chronique et active n'ayant jamais été traités pour celle-ci. Le bilan diagnostique devant contenir simultanément certains paramètres spécifiques.

b) bénéficiaires adultes atteints d'une hépatite B chronique et active, ayant été traités antérieurement par la lamivudine uniquement si ce traitement a été arrêté depuis plus de 6 mois après l'expiration de la dernière autorisation de remboursement de cette molécule. L'arrêt de traitement par la lamivudine doit être motivé par une augmentation de la virémie (ADN-VHB) réalisée à des intervalles d'au moins 3 mois. Au moins 6 mois après l'expiration de la dernière autorisation de remboursement de la lamivudine, le patient présente une rechute de l'activité virale; le bilan diagnostique doit alors contenir simultanément des éléments médicaux bien précis (3) . Et si l'entécavir est enfin remboursé depuis le 1er septembre 2007, il n'est malheureusement pas remboursé chez les patients naïfs (ils doivent être résistants à la lamivudine). Très peu de résistance chez les naïfs, par contre 40 % de résistance chez les lamivudine-résistants (ce qu'on appelle la « résistance croisée »).

Dès lors, certaines situations cliniques sont exclues du remboursement

Pour ce qui est du vaccin, il est gratuit jusqu'à 12 ans. Ensuite, une contribution d'environ 173 euros est demandée. Un tel prix constitue trop souvent un frein à la vaccination.

Pour ce qui est du traitement de l'hépatite C, la Belgique pratique des conditions de remboursement beaucoup trop restrictives !

Plusieurs catégories de personnes ne font pas l'objet d'un remboursement:

— les malades avec transaminases normales (30 %);

— les malades en phase aigue de la maladie (patients contaminés par piqûres accidentelles, personnel médical, infirmier, ...);

— enfants mineurs;

— les sans papier;

— les malades non répondeurs ou en rechute après le 1er traitement.

Ceci est inacceptable. Dès lors, les auteurs de la présente proposition souhaitent que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour combler ces lacunes et offrir à ces malades le remboursement adapté.

Différents états européens tentent de se saisir du problème mais les résultats de leurs démarches tardent. Rares sont les pays qui ont adopté un plan d'action national, un programme de dépistage ou encore lancé une campagne de sensibilisation.

Tout récemment, une déclaration écrite a été déposée au Parlement Européen. Dans celle-ci, le Parlement demande au Conseil d'adopter une recommandation visant à garantir un diagnostic précoce et un meilleur remboursement des soins de cette maladie dans chacun des États membres.

En Belgique, les initiatives sont encore trop rares mais elles ont le mérite d'exister. Malheureusement, elles ne sont que trop rarement suivies. En effet, à l'initiative du Sénateur Alain Destexhe, une proposition de résolution relative à la journée mondiale de l'hépatite C a été votée en mai 2002 au Parlement. Outre, entre autres, l'instauration d'une journée nationale de l'hépatite C, cette résolution demandait au gouvernement de mettre sur pied des campagnes de sensibilisation et des remboursements adaptés.

Malgré ce vote, rien n'a été fait.

En mai 2005, une proposition de résolution est également déposée à la Chambre par un des auteurs de la présente proposition mais aucun suivi n'y est donné.

Les auteurs de la présente résolution entendent bien remettre ce problème sur la table en demandant au nouveau gouvernement en place de mettre rapidement en place des campagnes de sensibilisation et de répondre aux problèmes de remboursement.

Philippe MONFILS
Philippe MAHOUX
Georges DALLEMAGNE
Isabelle DURANT
Dominique TILMANS
Alain DESTEXHE
Jacques BROTCHI.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. Considérant le nombre croissant de personnes contaminées par les hépatites B et C en Belgique et au niveau international;

B. Considérant que 50 % de la population belge méconnaît cette maladie, ses symptômes et ses conséquences;

C. Considérant les impacts cruciaux en terme de guérison et de non contamination d'un diagnostic précoce de l'hépatite;

D. Considérant l'urgence d'établir un véritable ensemble de mesures à prendre afin de lutter contre les hépatites;

E. Considérant les insuffisances au niveau des remboursements des différents traitements.

Demande au gouvernement:

1. d'organiser auprès du grand public, du personnel infirmier et des médecins généralistes, une grande campagne nationale de sensibilisation aux hépatites B et C principalement axée sur les facteurs de risques, les symptômes et l'importance d'un dépistage précoce (de la contamination) et les mesures simples de prévention;

2. d'adopter, en coopération avec les Régions, un plan global pluriannuel de lutte contre les hépatites reprenant l'ensemble des mesures et initiatives à mettre en place dans ce cadre;

3. de réfléchir à un remboursement plus large et plus optimal des traitements des l'hépatites qui couvrirait l'ensemble des personnes souffrant de l'hépatite B et C ainsi qu'à un système prenant en charge, pour la personne atteinte de l'hépatite C, la vaccination contre le virus de l'hépatite A et B car le cumul des infections augmente fortement le taux de mortalité pour ces personnes.

4. De mettre en place des incitants fiscaux pour la recherche et le développement de nouveaux traitements et d'un vaccin pour l'hépatite C;

5. D'améliorer l'accès à l'assurance et aux prêts des personnes contaminés en instaurant un comité d'experts médicaux, indépendants des compagnies d'assurance et des mutuelles, chargé de procéder à l'évaluation du risque de ces candidats à l'assurance et aux prêts.

29 septembre 2007.

Philippe MONFILS
Philippe MAHOUX
Georges DALLEMAGNE
Isabelle DURANT
Dominique TILMANS
Alain DESTEXHE
Jacques BROTCHI.

(1) Étude du CHAC, Carrefour Hépatites Aide et Contact.

(2) Étude du CHAC, Carrefour Hépatites Aide et Contact.

(3) CHAC, Carrefour Hépatites Aide et Contact.